- Mimi Diarra
Dualité de l'identité raciale
Dû aux interactions avec le monde qui nous entoure, nos petits êtres développent des préférences pour certaines choses au profit d’autres. Circulant dans nos bulles d’individualité distinctes, chacun apprécie son existence de manière diverse et variée. En occurrence, nous avons tous un genre de musique, un style vestimentaire ou encore un type de série, que nous affectionnons plus particulièrement. Cependant, malgré la particularité de nos bulles, ces dernières se croisent parfois créant des préférences ou des manières d’exister qui se ressemblent. La vie et ses expériences nous façonnent de manière à établir nos intérêts. Ainsi, ne serait-il pas normal de voir une personne de couleur écouter de la musique country ou avoir un gobelet de Starbucks à la main ? Malheureusement, cela étonne toujours ! Bien que chacun évolue dans la société, selon sa personne, on rattache des intérêts, des comportements ou des idéologies à la couleur de la peau d’un individu en accord avec le stéréotype qu’on a d’un comportement associé à certaines races. Nos biais établissent un barème pour les minorités raciales et dès qu’une personne sort de ce barème pour se rapprocher de celui d’une autre communauté, par exemple noire versus blanche, elle est considérée comme une traitresse.
Acting white ?
Signithia Fordham et John Ogbu, professeur en anthropologie à l’Université de Berkeley, rédigèrent en 1980 une théorie controversée sur la relation entre la race et l’intelligence qui relève que la réussite académique et économique serait considérée comme « blanche ». Par conséquent, une personne noire qui répond à ces critères agit comme un blanc. L’étude a été menée en collaboration avec des étudiant. e. s noir. e. s qui avaient de bonnes performances académiques. L’étude conclut que les étudiant. e. s se sont rattachés à la prépotence de la culture blanche dans l’optique d’une réussite académique et économique. Ces étudiant. e. s tentent tout de même de conserver leur identité affiliée à la culture noire, les obligeant à jongler entre les deux cultures. De manière générale, cette théorie défend le fait que pour une personne noire, être douée à l’école n’est pas seulement question d’être un « intello », mais un désaveu de sa propre culture au profit de la culture blanche (soit un « vendu »). Cette personne court le risque d’être rejeté par sa communauté.
Plusieurs recherches viennent critiquer la théorie mentionnée plus haut la considérant erronée puisque les étudiant. e. s noir. e. s qui réussissent à l’école seraient aussi populaires que n’importe quel autre étudiant. e et ne seraient pas rejeté. e. s par leurs pairs. Néanmoins, elle est validée par plusieurs articles et témoignages qui indiquent que celle-ci s’applique dans la vie quotidienne. En 2004, lors d’un discours pour sa candidature au Sénat américain, Barack Obama déclare l’importance de déconstruire l’idée que la communauté noire rattache au fait qu’avoir une éducation est considéré comme agir comme un blanc, disant : « Children can't achieve unless we raise their expectations and turn off the television sets and eradicate the slander that says a black youth with a book is acting white », pour reprendre les mêmes mots. Bien que la théorie développée par Fordham et Ogbu reste considérée comme un mythe, elle vient souligner un biais important de la communauté noire face à elle-même. Pourquoi une personne noire ne pourrait-elle pas avoir des aspirations de réussite et par la même occasion les accomplir ? Les différents récits de personnes afro-américaines ou noires vivant en occident viennent présenter cette dualité face à leur race et leur désir de réussir dans une société où les stéréotypes rattachés aux cultures raciales sont encore omniprésents. Malgré l’application de la théorie, uniquement à la communauté noire, il semble que ce principe s’étale aux multiples autres communautés racisées ayant elles aussi un passé conflictuel avec la domination occidentale.
Blanc dedans
Nos sociétés furent édictées et construites sur des idées et principes coloniaux. Ces principes ont encore une emprise sur la manière dont nous voyons et percevons les autres, cachant en nous des biais face aux différentes communautés qui nous entourent qu’elles soient marginalisées ou non. Les stéréotypes et préjugés résultent de pensées racistes trop souvent banalisées que nous avons face aux autres communautés, mais aussi face à la nôtre. Les communautés, cherchant à protéger leur propre culture tout en voulant se dissocier de celle de l’oppresseur, ont tendance à voir les individus qui composent leur communauté comme des monolithes. Le tout dans le but de tout faire pour sauvegarder et protéger la distinction de leur culture de celle qui est dominante.
De ces faits, dès qu’un individu issu des communautés marginalisées se détache un peu des idées qu’on associe à sa communauté raciale, il est traité de tous les noms. Que ce soit de s’habiller ou de parler de manière trop blanche, de sortir avec une personne blanche, d’exercer un poste qui est perçu comme opprimant les minorités. On crie : « Oh le traitre ! oh le vendu ! ». Les communautés marginalisées ne s’empêchent pas de condamner par des jurons tous ceux qui se détacheraient un tant soit peu du monolithe qu’ils rattachent à leur culture, les traitants de toubabs noirs, d’assimilés et de collaborateurs. Sentiment qui est repris par l’expression espagnole : « hacer las cosas como los blancos » se traduisant par faire les choses comme les blancs.
Allant encore plus loin, un courant d’insulte s’est formé, sur la base d’aliments juxtaposant la couleur de la peau des différentes communautés, pour accentuer l’assimilation à la culture blanche. On y trouve donc les termes comme Oreo ou Bounty pour les personnes noires, banane, pomme ou noix de coco pour d’autres minorités. Bien qu’on puisse entendre ces termes par des membres externes à nos communautés, ils sont plus souvent exprimés par ceux qui font partie de notre propre communauté. Le racisme intercommunautaire divise encore plus les individus entre eux, empêchant la volonté de protéger les racines de leurs cultures riches et diverses.
Il faut faire une grande distinction entre les intérêts d’un individu et les idées sociales qu’on rattache aux communautés raciales. Ce n’est pas parce que je n’ai pas de Hip-hop/Rap dans ma playlist, que je sors avec une personne blanche ou que je réussis bien à l’école que je tente de déconstruire mon identité raciale. C’est un beau croisement qui devrait être mis de l’avant afin de mieux absorber la diversité qui peut se rattacher aux différentes identités raciales.
Les dogmes de la société sont sous l’emprise de biais raciaux, résultant de l’exploitation coloniale des différents groupes marginalisés. Homogénéiser des cultures est difficile lorsque la domination d’une se fait au profit des autres. Ceci occasionne la dépréciation des individus des différentes cultures pensant que seuls les dominants peuvent réussir et que les dominés ne peuvent que subir. Avec le temps, les communautés marginalisées ont tenté de repeindre le tableau essayant de dissocier, le plus possible, leur culture de celle de l’oppresseur. Cependant, le désir de trop vouloir se dissocier a instauré un racisme discret, sournois et omniprésent. Le résultat de cette situation a assujetti les individus marginalisés qui s’approprient des « caractéristiques » de l’Homme occidental, aux réprimandes de leur communauté. La dangerosité d’associer et de dissocier des caractéristiques aux différentes races crée du tort à ceux qui ne s’y retrouvent pas. Il est primordial d’apprécier les semences qui font nos racines et de ne pas les renier. Deux individus de la même race peuvent avoir des bulles différentes, mais ceci ne devrait causer aucun enjeu majeur, car il faut comprendre que sur un même sol des racines peuvent pousser différemment.