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  • Luisa Montana

Cours 101 : Le système d’immigration au Québec

Dernière mise à jour : 2 juin 2020

Dans les dernières semaines, on a beaucoup entendu parler du système d’immigration québécois suite au dépôt par la CAQ du projet de la loi 9. Ce projet de loi controversé, réponse à une promesse électorale, a pour but de réformer le système d’immigration en arrimant la sélection des immigrants économiques aux besoins du marché du travail. Cependant, le projet de loi fait déjà l’objet d’une injonction de 10 jours suite au recours intenté par l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI)[1]. Cette injonction force le gouvernement du Québec à traiter les 18 139 dossiers d’immigration déposés avant le 2 août 2018 dans le cadre du programme régulier de travailleurs qualifiés qui auraient été autrement annulés. Il peut être difficile de comprendre les enjeux du projet de loi sans bien comprendre comment fonctionne le système d’immigration au Québec. L’objectif de la chronique n’est donc pas de critiquer ou d’analyser le projet de loi. L’objectif est plutôt de démystifier le système d’immigration et de sélection du Québec afin de nous permettre d’amorcer une réflexion éclairée. Commençons.

Les grandes lignes de l’Accord Canada-Québec

Le gouvernement du Canada a la compétence exclusive en matière de citoyenneté et d’admission des étrangers sur son territoire en vertu de l’article 91(25) de la Loi constitutionnelle de 1867. Cependant, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés autorise le ministre à passer des accords avec les provinces en matière d’immigration. Ainsi, l’immigration est devenue une compétence partagée entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec en 1991 lors de la signature de l’Accord Canada-Québec aussi connu sous le nom d’Accord Gagnon-Tremblay-McDougall. Cet accord reconnait le caractère distinct de la société québécoise et octroie une plus grande autonomie à la province en matière de sélection des immigrants ainsi que dans la mise en place des services d’accueil et d’intégration. L’un des objectifs de l’accord est de permettre au Québec de préserver son poids démographique tout en tenant compte du caractère fédéral et bilingue du Canada. Le gouvernement canadien garde son pouvoir exclusif en matière d’admission des étrangers sur son territoire et d’octroi de la citoyenneté. Par conséquent, c’est le gouvernement fédéral qui établit seul les catégories générales d’immigration (regroupement familial, immigration humanitaire, immigrants permanents, immigrants temporaires et visiteurs), les critères d’entrée, les conditions de séjours et les motifs de refus. De plus, c’est le gouvernement fédéral qui établit les volumes annuels d’immigration. Cependant, l’accord Canada-Québec donne à la province un droit de parole sur le nombre d’immigrants qu’elle désire recevoir. Effectivement, dans l’accord Canada-Québec, le gouvernement fédéral s’engage à informer la province avant le 30 avril de chaque année du volume d’immigrants, réparti par catégorie d’immigration, qu’il va admettre. À son tour, le gouvernement du Québec s’engage à informer, avant le 30 juin de chaque année, le gouvernement fédéral du nombre d’immigrants qu’il compte accueillir en les répartissant par catégories d’immigration. En vertu de l’accord, le gouvernement canadien doit prendre en compte la volonté du Québec quant au nombre d’immigrants que la province désire recevoir. Il est important de souligner que par la signature de l’accord, le gouvernement québécois s’engage à poursuivre une politique d’immigration qui lui permet de recevoir un pourcentage du total d’immigrants reçus au Canada au moins égal à son poids démographique au pays. De plus dans la catégorie d’immigration humanitaire, le Québec s’engage aussi à accueillir un pourcentage de tous les immigrants reçus par le Canada qui est au moins égal à son poids démographique. Le Québec a donc son mot à dire en matière du volume d’immigrants qu’il prend en charge chaque année. Cependant il doit honorer ses engagements. Pour sa part, le gouvernement canadien s’engage en vertu de l’accord à offrir une juste compensation ainsi qu’à se retirer des services d’accueil et d’intégration linguistiques, économiques et culturels offerts par la province, à condition que ceux-ci correspondent aux standards des services offerts dans le reste du pays.

Regroupement familial

Le Québec n’a pas une complète autonomie en matière de sélection des immigrants. Effectivement, l’accord prévoit que le gouvernement fédéral est le seul responsable de l’admission des immigrants faisant partie de la catégorie d’immigration de regroupement familial. Cela veut dire qu’au contraire la catégorie d’immigrants permanents, c’est le Canada qui établit seul les critères d’admission et de sélection des immigrants. Le Québec est seulement responsable d’appliquer les critères préalablement établis par les lois fédérales ainsi que de s’assurer du suivi des engagements de parrainage et de fixer les normes financières applicables. Ainsi, l’individu admissible au parrainage d’un de ses proches, soit un citoyen canadien ou un résident permanent, doit déposer sa demande de parrainage auprès du Ministère d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. C’est donc le gouvernement fédéral qui s’occupe d’étudier le dossier (plus d’information sur l’étude du dossier ici). Cependant, le parrain doit aussi signer un contrat d’engagement avec le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion du Québec (MIDI) dans lequel il s’engage à fournir de l’aide financière au membre de sa famille qu’il parraine et à répondre ses besoins de base. Cet engagement, dont la durée et les barèmes d’évaluation sont établis par le gouvernement du Québec, est inconditionnel. Cela veut dire qu’il prend seulement fin lors que la personne parrainée obtient son statut de résident permanent.

Immigration humanitaire

Pour ce qui est de l’immigration humanitaire, c’est le gouvernement du Canada qui est le seul responsable de déterminer si un individu est considéré comme un réfugié au sens de la convention des Nations Unies relative au statut de réfugiés (critères ici) ainsi que de déterminer quelles sont les personnes qui ont besoin de sa protection en vertu de considérations humanitaires[8]. Si la demande est effectuée de l’étranger, l’individu doit non seulement être reconnu comme réfugié et satisfaire les critères du Canada en matière de santé et de sécurité, mais il doit aussi satisfaire le processus de sélection du Québec pour être pris en charge par la province. En d’autres mots, pour les demandes d’immigration humanitaire provenant de l’étranger l’accord octroie au gouvernement du Québec un droit de veto explicite ce qui lui permet de refuser un individu qui ne répond pas à ses critères de sélection, même si celui-ci répond au critère d’admission du Canada et a été reconnu comme un réfugié. La demande de sélection dans la catégorie d’immigrant humanitaire est donc évaluée en vertu des critères du gouvernement du Québec en matière de connaissances linguistiques, expérience de travail, de capacité d’intégration ainsi que du besoin de protection. Il est important de souligner, que le Québec à un pouvoir de sélection des réfugiés reconnus comme tels seulement pour les demandes d’immigration humanitaires faites à l’étranger. Pour ce qui est des demandes faites en sol canadien, c’est le gouvernement fédéral seulement qui est responsable de l’admission et de la sélection des individus.

Immigrants temporaires et permanents

C’est en matière d’immigrants temporaires et permanents que l’accord octroie une totale autonomie en matière de sélection des immigrants au gouvernement du Québec. Cela veut dire que pour qu’un immigrant dans ces deux catégories puisse s’établir dans la province, celui-ci doit impérativement répondre aux critères de sélection de la province, et ce même s’il répond déjà aux critères d’admission du pays en matière de santé et de sécurité. La seule exception est lorsque le gouvernement canadien délivre un permis d’étude dans le cadre d’un programme canadien d’assistance aux pays en voie de développement. Pour ce qui est des immigrants permanents, ceux-ci doivent recevoir un Certificat de Sélection du Québec (CSQ) avant de pouvoir faire une demande de résidence permanente auprès du gouvernement du Canada. Les critères pour l’octroi du CSQ varient selon le programme d’immigration choisi. Une personne intéressée à immigrer au Québec peut donc passer par le fameux programme régulier des travailleurs qualifiés (PRTQ) ou par une demande d’immigration d’affaires.

Le PRTQ est le principal programme en question dans le dossier des demandes annulées par le projet de loi 9 de la CAQ. Essentiellement, on exige depuis aout 2018 que les personnes intéressées par PRTQ commencent leurs démarches en déposant un formulaire de déclaration d’intérêt dans le portail Arrima. Ce processus vient remplacer le système précédent où les demandes étaient étudiées sur la base du principe du premier arrivée premier servi. Avec le nouveau système, l’individu doit recevoir une invitation de la part du Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion du Québec (MIDI) afin de présenter une demande de sélection permanente. Le formulaire de déclaration d’intérêt a pour but de permettre au MIDI prioriser les demandes des personnes dont le profil correspond aux besoins du marché du travail et qui contribuent à la vitalité du français. Une fois l’invitation reçue, la personne peut ensuite déposer une demande de sélection qui sera étudiée en fonction d’un système de points (voir la grille) qui prend en compte l’âge de la personne, son niveau de scolarité, sa capacité linguistique, ses expériences professionnelles et sa capacité d’être financièrement autonome pendant au moins les trois premiers mois suivants son arrivée au Québec. Le seuil pour être sélectionné est de 50/103 pour les demandeurs seuls et 59/120 pour les demandes conjointes, c’est-à-dire avec un époux ou un conjoint de fait. Une fois le CSQ octroyé, la personne peut faire une demande de résidence permanente auprès du gouvernement canadien si elle satisfait aussi les critères en matière d’admission.

Le programme d’immigration d’affaires se subdivise quant à lui en trois sous catégories soit le programme des entrepreneurs, le programme d’investisseurs et le programme de travailleurs autonomes. Les critères de sélection pour l’octroi de la CSQ sont essentiellement les mêmes que ceux utilisés dans le PRTQ, cependant une déclaration d’intérêt n’est pas obligatoire et les appliquant doivent satisfaire des critères supplémentaires à ceux de l’âge, de la scolarité et des compétences linguistiques. Pour le programme des entrepreneurs, l’individu doit en plus avoir l’intention d’établir, d’acquérir ou d’exploiter une entreprise au Québec. De plus, la personne doit aussi posséder un avoir net d’au moins 2 000 000 $ CA, de l’expérience en gestion, avoir signé une convention d’investissement avec un intermédiaire financier et effectuer un placement à terme de 5 ans d’une somme de 1 200 000 $ CA auprès d’Investissement Québec Immigrants Investisseurs Inc.Pour ce qui est du programme des travailleurs autonomes, ceux-ci doivent avoir l’intention de s’établir au Québec pour y créer leur propre emploi soit par l’exercice de leur profession ou par des activités commerciales. Ils doivent, en plus des critères considérés par le PRTQ, effectuer un dépôt de démarrage de 25 000 $ CA auprès d’une institution financière s’ils veulent s’installer à l’extérieur de la communauté métropolitaine de Montréal et de 50 000 $ s’ils veulent s’installer sur le territoire de la CMM. De plus, ils doivent disposer d’un avoir net minimal de 100 000 $ CA avec l’époux ou le conjoint et avoir au moins deux ans d’expérience dans le métier qu’ils désirent exercer. Une fois le CSQ octroyé, ils peuvent comme dans les autres cas effectuer une demande de résidence permanente auprès du gouvernement canadien à condition de satisfaire les conditions d’admission.

Après avoir examiné le système d’immigration du Québec, il est évident que le pouvoir de la province en matière d’immigration est fortement balisé par l’accord Canada — Québec, dans la mesure où le Québec a seulement un droit de veto en matière d’immigration temporaire et permanente ainsi que dans une certaine mesure pour les demandes d’immigration humanitaire effectuées depuis l’étranger. Il est important de souligner que même si le Québec à une grande autonomie en matière de sélection et de mise en place des systèmes d’intégration pour les immigrants, la province ne peut imposer des lois ou des règlements qui contreviennent aux droits garantis par la Charte Canadienne des Droits et Libertés (CCDL). Cela veut dire que le gouvernement du Québec ne peut pas forcer les immigrants à s’installer en région, mais bien seulement offrir des incitatifs, puisque la CCDL garantit la liberté d’établissement. Il sera intéressant d’observer les développements et la mise en place du projet de loi, puis que celui-ci a pour but entre autres de pallier au manque de main-d’œuvre qualifiée région.


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