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  • Huguette Rulisa

Loin des yeux, loin du cœur

Dernière mise à jour : 2 juin 2020



Leidy Cordova, une femme vénézuélienne âgée de 37 ans, photographiée le 16 juin 2016 avec quatre de ses cinq enfants dans leur appartement à Cumana, près de leur réfrigérateur qui ne contient qu’un petit sac de farine de maïs et une bouteille de vinaigre.

© 2016 Meridith Kohut

Le Venezuela et la République démocratique du Congo, qu’ont-ils en commun? Ces pays sont présentement en pleine crise. Vous n’en avez peut-être pas entendu parler, car évidemment les pays en voie de développement ne suscitent pas toujours l’intérêt des médias.

Depuis plusieurs années maintenant, le Venezuela est en crise politique et économique. La crise politique a commencé à prendre de l’ampleur avec la montée au pouvoir de Nicolas Maduro en 2013. Depuis le début de son mandat, une grande opposition s’est fait connaitre contre le gouvernement non seulement au sein de la population, caractérisée par des manifestations sur la place publique qui se sont malheureusement terminées en massacre, mais également au sein du partie en opposition soit, la coalition de la Table de l’Unité démocratique (MUD). D’ailleurs, il est important de mentionner que les leaders des autres partis ont été condamnés par la justice et confinés à résidence. Ceci est inquiétant! Il est d’autant plus alarmant que récemment le président a décidé de devancer les élections présidentielles au mois d’avril, tandis que l’opposition voulait négocier une date ultérieure pour assurer une élection équitable. Ce geste stratégique empreint de mauvaise foi ne donne évidemment pas le temps nécessaire de préparation à l’opposition. Dès lors, il n’est pas étonnant que l’ONU ait qualifié les actes du président Murado comme étant un usage excessif de la force, entre autres à cause des détentions arbitraires et des mauvais traitements. Heureusement, par souci de démocratie et d’équité, l’ONU a pu reporter les élections au mois de mai.

D’un point de vue économique, la situation du Vénézuéla ne fait que se détériorer. Effectivement, l’inflation dans le pays a dépassé les 2 610% en 2017 d’après le Fonds monétaire international (FMI). La cause majeure du problème est la baisse des cours du pétrole, soit la principale source de revenus du pays. Cela entraîne donc une pénurie de médicaments, de nourriture et ultimement un taux élevé de mort chez les jeunes enfants. En réaction à l’instabilité présente du pays, on remarque un taux élevé d’émigration des habitants.

Maintenant en ce qui concerne les conditions humanitaires et politiques en République démocratique du Congo, elles sont tout aussi préoccupantes. L’UNICEF rapporte que: « au moins 400 000 enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë sévère et pourraient mourir en 2018 s’ils ne sont pas assistés par des interventions sanitaires et nutritionnelles ». Chaque jour, il y a plus de 5000 personnes qui fuient le pays pour se réfugier ailleurs, « du jamais vu, dépassant la Syrie, le Yémen et l’Irak » dit Ulrika Blom, la Directrice du Conseil norvégien pour les réfugiés en RDC. L’une des préoccupations actuelles est la situation de la région du Kivu (le nord et le sud) en raison des différents groupes armés. Afin de pouvoir évaluer le niveau de sécurité dans cette région, 14 chercheurs du Groupe d’étude sur le Congo et de Human Rights Watch ont recensé 526 civils tués et au moins 1 087 personnes enlevées entre juin et novembre 2017. L’étude relève également que le nombre de groupes armés a plus que doublé depuis 2016 atteignant 132 groupes. Ce climat de crise est largement causé par la réélection pour la moins douteuse de Joseph Kabila en 2011. Depuis, il ralentit le processus électoral notamment en reportant les élections premièrement en 2016 puis en 2017. Cette réalité politique a engendré par la suite une crise de sécurité, une conséquence de la violence palpable entre le gouvernement et les différents groupes rebelles. C’est au point où l’Office des migrations internationales pense que «la situation en RDC risque d’être ignorée alors qu’elle est en passe de devenir la plus forte urgence en 2018 ».


PHOTO AFP

Je pense que l’urgence et la gravité de la situation sont clairement établies, mais, pourquoi ce ne sont pas ces pays qui font la une des journaux? Une théorie qui pourrait expliquer ce phénomène est la loi du mort kilométrique qui consiste à évoquer davantage le mort près de chez soi. En voici la preuve : le 7 janvier 2015, une série d’attaques au nom de l’islamisme extrémiste ont eu lieu, dont une en France contre le journal Charlie Hebdo, faisant 17 morts. La deuxième a eu lieu au Nigéria entrainant la mort d’au moins 150 personnes. Le Times pose ainsi la question que je vous pose, « devinez laquelle a attiré le plus d’attention?  » Par la suite, tout le monde a entendu parler de l’attentat de Paris du 13 novembre 2015 qui avait fait 130 victimes, mais qu’en est-il de l’attentat du Liban qui a tué 44 personnes et fait 239 blessés? Finalement, l’attentat du 22 mars à Bruxelles qui a fait 32 victimes a fait couler plus d’encre que l’attentat de Lahore le 27 mars causant 72 morts.

C’est exactement le même problème dont sont victime le Venezuela, la République du Congo. Nous parlons de pays en moment de crise comme on n’en a jamais vu auparavant. La disproportion entre le niveau de gravité et l’attention médiatique revient à dire que ce qui se passe chez eux n’est pas important, mais pire encore, cela nie leur droit de recevoir de l’aide. En effet, comment les gens peuvent les aider quand ils ne sont pas au courant qu’il y a un problème à la base? Un bon exemple est la République du Congo où l’UNICEF manque de fonds pour aider. Les personnes seraient surement plus enclines à apporter leur soutien s’elles étaient informées. Malheureusement, nombreux sont ceux qui sont plus intéressés par les moindres faits et gestes du président américain Trump. Je comprends que c’est également inquiétant ce qui se passe aux États-Unis. Pourtant, est-ce que c’est au point où l’on devrait laisser en second plan la vie de milliers de personnes dans le monde en train de se battre pour leur survie? Les médias devraient pouvoir nous rapprocher, nous sensibiliser aux défis de tous les individus, et ce, peu importe où ils se retrouvent dans le monde. Pourtant, les médias ne font que légitimer dans l’esprit de plusieurs que les pays non occidentaux sont moins importants. Autrement c’est sûr qu’ils en parleraient plus. Après tout, peut-être que ce que l’on dit est vrai, loin des yeux loin du cœur.


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