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  • Huguette Rulisa

La destruction des témoignages des autochtones… un pas vers l'oubli ?

Dernière mise à jour : 2 juin 2020



Le 6 octobre dernier, la Cour Suprême a décidé que les témoignages des autochtones, portant sur la maltraitance sexuelle et physique que ceux-ci ont subie dans les pensionnats, pourront être détruits après une période de 15 ans. Certains témoignages ont été donnés en 2004, il sera donc possible de les détruire dès 2019, à moins qu’ils soient rendus publics par le gouvernement sous l’approbation des autochtones.

Entre 2004 et 2012, le gouvernement fédéral a mis sur pied un programme pour venir en aide aux autochtones ayant subi des abus dans les pensionnats. En effet, le Processus d’évaluation indépendante (PEI) est un programme inclus dans la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens (CRPI) qui veut indemniser les anciens pensionnaires. Pour bénéficier de l’indemnité, il fallait respecter certaines conditions, telles qu’avoir subi des abus sexuels, physiques ou autres actes violents dans un pensionnat indien. De plus, il n’était pas nécessaire d’avoir vécu dans l’un des pensionnats, le simple fait d’être reconnu comme un étudiant ou d’y avoir participé à une activité était suffisant.

Par contre, lors de la mise en vigueur de la convention, seules les demandes de personnes ayant fréquenté l’un des 130 pensionnats reconnus par le gouvernement fédéral pouvaient faire l’objet d’une analyse. Cela veut dire que toutes personnes ayant habité ou participé à une activité dans les pensionnats de la province de Terre-Neuve-et-Labrador ne pouvaient pas soumettre une demande d’indemnité, puisque ladite province ne faisait pas partie du Canada. Effectivement, il a fallu que les survivants des pensionnats entreprennent un recours collectif pour bénéficier des indemnités.

Le témoignage complet des demandeurs était obligatoire puisque c’était le seul moyen de prouver la sincérité de la personne. Des critères basés sur la gravité des abus avaient été mis sur pied pour estimer le montant de l’indemnisation. Par exemple, ce sont majoritairement les sévices physiques et sexuels commis par l’Église ou le gouvernement qui étaient reconnus et permettaient une indemnité. Alors que les autres souffrances plus difficiles à prouver, la perte identitaire, ou encore les séquelles émotionnelles causées par la séparation brutale entre les enfants leurs parents n’étaient pas d’indemnisé. C’est à la suite de ces témoignages que la cour devait déterminer s’il était préférable de conserver les témoignages ou pas.

Le fond du dossier opposait le droit à la vie privée et la valeur historique. D’un côté, on reconnait le droit des autochtones de ne pas vouloir que leurs expériences les plus personnelles et douloureuses soient à la vue de tous. D’un autre coté, ces dépositions sont une part de notre histoire qu’aucun Canadien ne devrait ignorer. Après que la cour ait rendu son jugement, les réactions étaient très partagées. En effet, plusieurs associations de Premières Nations étaient en accord avec la décision de la cour puisque le gouvernement avait déclaré que ces témoignages seraient complètement privés. Il y en a d’autres, notamment le juge dissident Robert Sharpe, qui pensent que c’est une erreur de ne pas archiver ces témoignages : « Si les documents du PEI sont détruits, nous effaçons une importante partie de nos efforts pour traiter de ce sombre chapitre dans notre histoire ». Même si je comprends pourquoi plusieurs autochtones ne voudraient pas que leur histoire soit accessible à tout le monde, je partage l’opinion du juge dissident.

Je trouve intéressant que jusqu’à la fin de mon secondaire, tous mes cours d’histoire retraçassaient l’histoire des autochtones, mais jamais une fois je n’ai entendu parler des pensionnats. Il est clair à mon avis que le gouvernement fédéral à essayer à tout prix de cacher cette partie de l’histoire en prétendant qu’elle n’a jamais existé. Je ne peux m’empêcher de penser que détruire ces témoignages revient non seulement à minimiser la tragédie des pensionnats, mais également la manière dont elle affecte encore aujourd’hui la communauté autochtone. Ce n’est que dans les dernières années que le gouvernement fédéral a commencé à assumer sa responsabilité entre autres par des excuses publiques de M. Harper et de M. Trudeau. Par ailleurs, la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens avait également mis sur pied la Commission de vérité et de réconciliation où le gouvernement reconnaissait les torts causés. En voici d’ailleurs un extrait : « Un État qui détruit ou s'approprie ce qui permet à un groupe d'exister, ses institutions, son territoire, sa langue et sa culture, sa vie spirituelle ou sa religion et ses familles commet un génocide culturel. Le Canada a fait tout ça dans sa relation avec les peuples autochtones ».

Pourtant, je ne vois pas ce que le gouvernement fédéral a fait de tangible pour changer les choses. Ce qui remet, à mon avis, en doute la légitimité de ces excuses, car comment peut-on s’excuser, mais ne rien faire de concret pour rectifier la situation ? Mon inquiétude est que dans le futur, il n’y ait rien qui nous garantit que le gouvernement fédéral ne tentera pas de dissimuler la vérité. Cela s’est bien fait au sein des programmes d’éducation dans l’ensemble du pays, non ? Quand les paroles du gouvernement peuvent s’envoler et sont parfois dénuées de sincérité, les écrits des témoignages autochtones seront un rappel constant. Si je vais plus loin, en oubliant cette partie de notre histoire, comment pouvons-nous nous assurer de ne plus jamais reproduire nos erreurs ? En effet, je vous pose la question, un peuple qui oublie son passé ne se condamne-t-il pas à le revivre ?


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