- Toniya Puvaneswaran
Quand est-ce que les autochtones auront-ils enfin leur place dans l’histoire canadienne ?
Dernière mise à jour : 2 juin 2020
Le 11 juin 2008, l’ancien premier ministre Steven Harper avait présenté, au nom des Canadiens, ses excuses en ce qui a trait aux évènements reliés aux pensionnats et, le 15 décembre 2015, des excuses semblables ont été présentées par Justin Trudeau, le premier ministre actuel, qui demandait aussi pardon à tous les autochtones du pays qui avaient été touchés de près ou de loin par la mise en place des pensionnats autochtones canadiens. Presque 10 ans se sont écoulés depuis les premières excuses et les autochtones du pays sont encore victimes d’injustices et de préjugés qui existent depuis plusieurs générations et continuent de persister dus aux lacunes des programmes d’éducation au Canada . Plusieurs ont critiqué les cours d’histoire donnés aux Canadiens qui représentent les autochtones comme un peuple ignorant et qui passent sous silence le génocide physique et culturel qu’ont vécu les autochtones depuis leurs premiers contacts avec les colonisateurs jusqu’à aujourd’hui. Nous sommes rendus en 2018 et, malgré les initiatives entreprises par le gouvernement fédéral canadien pour améliorer leurs relations avec les autochtones, aucun changement notoire n’a été apporté en ce qui concerne le contenu de la matière enseignée dans les cours d’histoire au secondaire, plus particulièrement en ce qui concerne les autochtones.
Il est vrai qu’en hiver 2014, un nouveau programme a été élaboré par le ministère de l’Éducation du Québec dans le but d’intégrer l’histoire des autochtones dans les cours d’histoire au secondaire, plus particulièrement en 3e et 4e secondaire. Élaboré par des enseignants, des conseillers pédagogiques et des membres des communautés autochtones à travers le Québec, ce programme vise donc à expliquer l’évolution sociologique et historique qu’ont vécue les Autochtones depuis leurs premiers contacts avec les Européens jusqu’à aujourd’hui. Ainsi, les élèves pourront non seulement prendre connaissance des évènements se rattachant aux pensionnats, mais également en apprendre davantage sur les traités qui ont été conclus entre les autochtones et les Européens, sur l’évolution des relations entre ces deux peuples et, finalement, sur les facteurs qui ont mené à une crise socioculturelle au sein de la communauté autochtone.
Malgré que l’entrée en vigueur de ce programme est prévue en septembre 2018, plusieurs écoles secondaires possèdent déjà une première version du matériel nécessaire pour enseigner le nouveau contenu et, contre toute attente, plusieurs critiques ont été soulevées face aux changements qui ont été apportés qualifiant ces derniers de non représentatifs et incomplets. En effet, selon plusieurs membres des Premières Nations, des Métis et des Inuits, le nouveau contenu ne contiendrait que des références aux systèmes de pensionnats, aux réserves et aux droits autochtones sans toutefois entrer dans le cœur de ces enjeux et sans faire ressortir les problèmes et les violations de droits et libertés qui y sont issus. Ainsi, pour la FAQ (les Femmes Autochtones du Québec), qui est un organisme qui s’est engagé à travailler pour la réconciliation des autochtones et des non autochtones, le simple fait de mentionner ces enjeux ne permettra pas à « érayer les préjugés et le racisme qui contribuent à vulnérabiliser et opprimer les Autochtones dans cette province ». Plusieurs professeurs ont toutefois affirmé être satisfaits par le nouveau programme, mais il est important de souligner que le degré de satisfaction des professeurs ne détermine pas le niveau d'efficacité du nouveau programme.
Si cette nouvelle réforme est, comme plusieurs autochtones l'affirment, incomplète et non représentative de la réalité, alors il sera beaucoup plus difficile de mettre en place des politiques de réconciliation et de compensation, car les personnes qui élaboreront ces dites politiques ignoreront toujours les faits et ne connaîtront que la « belle » partie de l'histoire canadienne. Prenons, par exemple, l’étude menée sur les Autochtones vivant en milieu urbain réalisée en 2010 par l’Institut Environics auprès de Canadiens non autochtones. Seulement 15 % des Canadiens non autochtones connaissent l’histoire de la colonisation au Canada, les apports culturels des Autochtones et certains des obstacles que ces derniers rencontrent, comme le racisme ou les inégalités scolaires et économiques. Comment les autochtones peuvent-ils s'attendre à des changements efficaces si seulement 1 Canadien sur 20 connaît leurs réalités historiques et actuelles ?
Cette ignorance au sein de la population a d’immenses impacts négatifs à l'égard de la population autochtone victime de préjugés et d'injustices fondées sur une éducation incomplète. Comme l’a déclaré la Commission de vérité et réconciliation dans le sommaire de son rapport final ;
« Un trop grand nombre de Canadiens ne savent pas grand-chose, voire rien du tout, sur les racines historiques profondes de ces conflits. Le manque de connaissances historiques a d’importantes répercussions pour les Premières Nations, les Métis et les Inuits, ainsi que pour l’ensemble du Canada. Ainsi, dans les cercles gouvernementaux, cela donne lieu à de mauvaises décisions en matière de politiques publiques. Dans le domaine public, ce manque de connaissances a également pour effet de renforcer les attitudes racistes et d’alimenter la méfiance entre les Autochtones et les autres Canadiens. »
Finalement, pour commencer à avoir un réel respect envers les autochtones, il faut inévitablement reconnaître leur passé et les difficultés auxquels ils n'ont pas cessé de faire face depuis l'arrivée des Européens sur le territoire canadien jusqu'à aujourd'hui. L'éducation des prochaines générations est très importante pour éliminer tous les préjugés et les injustices à l'égard des premiers peuples autochtones. Ainsi, comme l'affirme FAQ,
« La population québécoise doit connaitre et comprendre les réalités des Peuples autochtones afin de les appuyer de manière éclairée (…) et contribuer ainsi à induire de réels changements sociétaux, En effet, on ne réussira pas à changer l'ignorance, les préjugés, et dans certains cas le racisme vis-à-vis les Premières Nations si on n'enseigne pas leur histoire à l'école. »
Crédits photos: La Fondation autochtone de l’espoir (FAE)