- Laurence Boucher
Un vent de fraîcheur orange
Dernière mise à jour : 2 juin 2020
Le 1er octobre 2017, dans la métropole de Toronto, succédait Monsieur Jagmeet Singh à Thomas Mulcair à la tête du Nouveau Parti démocratique du Canada (NPD) avec 53,8 % des votes au premier tour. Le député ontarien a obtenu un total de 35 266 votes alors que son plus grand rival, Charlie Angus, a su obtenir 19,4 % des voix. Les autres individus dans la course étaient la candidate manitobaine la plus à gauche Nikki Ashton (17,4 % des voix) et le québécois Guy Carron (9,4 % des voix).
Qui est cet homme au turban coloré qui apparaît fréquemment sur nos bulletins de nouvelles ?
Jagmeet Singh est un Canadien d’origine indienne pratiquant fièrement la religion sikhe. Sa carrière d’avocat pénaliste a débuté au cabinet Pinkofsy à Toronto et par la suite, il a ouvert les portes de son propre cabinet dans la ville de Brampton. Il a présenté de nombreux séminaires juridiques gratuits en Ontario et offert des services pro bono pour bon nombre d’organismes communautaires. Cette carrière l’a influencé plus tard à se lancer en politique. En fait, monsieur Singh a su écrire une page dans l’histoire canadienne en devenant la première minorité visible à la tête d’un parti politique majeur sur la scène fédérale au Canada. Il ne s’agit pas seulement d’une victoire pour Singh, mais bien pour l’ensemble des minorités visibles. Ce nouveau chef a tout de suite réalisé l’avancée de la société canadienne lorsqu’il a été élu au début du mois d’octobre en affirmant que : « Je suis ici seulement parce que des gens ont repoussé les obstacles. Je me suis rendu ici grâce à leur courage et j’espère être en position de donner la même inspiration à d’autres».
Son élection correspond à un réel vent de renouveau sur la scène politique canadienne surtout pour cet homme qui s’est donné comme mandat d’apporter un second souffle et de motiver les troupes du parti suite aux résultats insatisfaisants de leur campagne en 2015. Il a ouvert la porte à une inspiration inconditionnelle pour l’ensemble des minorités visibles et les immigrants se trouvant dans les frontières canadiennes. Pour eux, le fait de voir Jagmeet Singh occuper un poste d’envergure leur permet d’accroitre leur sentiment d’appartenance avec notre pays.
Il va sans dire que le fait d’avoir une minorité visible portant un signe religieux à la tête du NPD ne fait pas le bonheur de tous. En effet, lors d’un sondage réalisé par la firme Angus Reid, la population canadienne croit que sa religion va nuire énormément à ses chances de devenir premier ministre du Canada. La moitié des individus répondant à ce sondage croient que les membres de leur entourage ne voteraient pas pour quelqu’un avec un turban sur la tête.
Cette affirmation a été confirmée lors de sa tournée au Saguenay Lac-Saint-Jean pour porter main forte à sa candidate Gisèle Dallaire en vue de l’élection partielle du 23 octobre 2017. Dans cette région du Québec, plusieurs commentaires désobligeants ont été entendus de la part des citoyens face à l’image du nouveau chef du NPD. Selon Mélissa Bouchard, citoyenne d’Alma, « Les gens vont voter pure laine dans la région. Le turban ne passera pas ». Un commerçant à la retraite, Gilles Émond, qui ne connaissait aucunement l’existence de ce politicien avant la tournée dans sa ville a également affirmé : « Il n'aura jamais mon vote de sa vie avec un turban sur la tête. C'est trop apparent. Nous autres, au Lac-Saint-Jean, on est du monde assez catholique, puis il arrive avec une autre religion. Pour moi, c'est assez difficile à accepter. » Bref, il est possible d’observer que plusieurs Saguenéens semblent avoir une idée préconçue de ce chef seulement en raison de son apparence physique et non de ses idées politiques.
De nombreux politiciens se sont également exprimés sur la question. Notamment Martine Ouellet, la cheffe du Parti québécois, qui croit qu’il s’agit d’une montée de la gauche religieuse. Elle croit que M. Singh, avec le port du turban et du Kirpan, n’affiche pas des valeurs progressistes, mais bien des valeurs religieuses. Heureusement, Singh ne se laisse pas atteindre par ses propos, car il ne croit pas que la situation décrite par Mme Ouellet est la réalité. Il croit sincèrement que les Québécois seront en mesure de voir au-delà de son apparence physique et réaliser qu’il partage les mêmes valeurs qu’eux, soient des valeurs progressistes et sociaux-démocrates.
En tant que citoyens canadiens, nous avons le devoir de nous demander si l’apparence physique de nos politiciens devrait réellement influencer notre opinion de ceux-ci, ou même l’exercice de notre droit de vote. L’arrivée au pouvoir de la première minorité visible signifie que nous avons avancé comme société et qu’il est grand temps de prendre nos décisions politiques basées non sur ce que nos politiciens ont sur la tête, mais bien ce qu’ils ont DANS la tête.